Projet Barbie Fury
Chaque image de la série explore un univers mental décalé et humoristique, en utilisant des teintes et thèmes différents tout en gardant une unité de composition : une table, un sous-main et une poupée Barbie.
Mon but est d’obtenir une série visuellement joyeuse et pop : j’ai imaginé assez vite une exposition où toutes les photographies seraient présentées dans la même pièce pour « assaillir » les spectateurs pris dans un tourbillon de couleurs, avec des images empruntant aux codes de la mode, en y ajoutant un humour qui fait souvent défaut. Je veux faire rire avec des mises en scène ludiques et graphiques, et surprendre avec un rendu éclatant.
La conception de chaque mise en scène me prend un temps important. Je fais des répétitions, parfois des maquettes sur ordinateur ; je me procure, fabrique ou fais fabriquer les éléments de décor. Et j’organise parfois, souvent, plusieurs séances pour la même image avant d’aboutir à ce que j’ai en tête. Je suis dans le contrôle presque absolu : je fixe un cadre, la position des objets est réellement millimétrée, et dans cet espace je demande au mannequin, véritable actrice, un jeu d’émotion précis, tout en gardant un espace de liberté et de propositions.
Sur chaque photo, le modèle (une belle femme) s’attaque au-delà de l’objet jouet Barbie à l’image de la femme parfaite, et donc à l’image du mannequin. Le mot « mannequin » a d’ailleurs un double sens, la personne qui pose pour la photo et la statue de plastique.
Dans ma série, la belle femme casse l’image de la belle femme, c’est-à-dire sa propre image, mais n’en reste pas moins belle dans une photo qui illustre cette beauté ; je veux jouer sur un double effet miroir, la femme retombe dans le piège de l’image, le second degré de la mise en scène reboucle sur le premier car il serait hypocrite de réfuter ce fait : la beauté du modèle participe à l’attrait de la photo.
La belle femme qui casse l’image de la belle femme reste quand même enfermée, par moi le photographe, et par le regard des spectateurs, dans son image, son rôle de belle femme. Et cela correspond bien à ce qui me semble être le paradoxe de notre époque : une féminité à deux visages, d’un côté l’effacement des différences hommes / femmes qui peut aller jusqu’à l’extrême de la négation des genres, d’autre part l’ultra-féminisation avec un pouvoir de la beauté et de l’image qui n’a jamais été aussi puissant, aussi présent.